J’ai présenté un 1er développement d’une réflexion sur la préparation du futur dans un monde en crise en me basant sur les leçons de l’histoire puis un 2ème sur l’intégration de la discontinuité de l’histoire pour imaginer le futur, un 3ème sur la relativisation du dominant pour comprendre le monde, un 4ème sur les raisons et les manières d’agir pour préparer le futur et un 5ème sur l’affirmation du langage de la puissance pour préparer l’avenir.
Ce 6ème billet porte sur la mise en place de la défense européenne pour préparer l’avenir et une conclusion terminale.
Comment se projeter dans ce monde en crise face aux questions de défense ?
La guerre de la Russie contre l’Ukraine a brutalement montré aux Européens que leurs industries ne pouvait répondre aux besoins d’un conflit militaire. Certes l’harmonisation des industries de défense nationales faciliterait les choses.
Mais des moyens budgétaires sonnant et trébuchants devront soutenir les projets d’armement en permettant de mobiliser le système de production pour lui conférer une crédibilité certaine.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le soutien de l’UE à l’Ukraine est financièrement supérieur à celui des USA (77 Mds d’€ pour 25 aux USA), mais 10 fois moindre en aide militaire : 5,6 Mds d’€ contre 44 Mds pour les USA.
Dans une perspective militaire, les livraisons d’armes ont permis à l’Ukraine de résister à l’attaque russe et son renforcement sera crucial pour éviter la victoire de la Russie. Cependant les capacités de l’UE s’avèrent insuffisantes pour répondre à une demande accrue.
Dans une perspective politique, les chefs d’État ou de gouvernement ont choisi la formulation d’un soutien à l’Ukraine « aussi longtemps que nécessaire » sans définir d’horizon précis, donc sans engagement contraignant, c’est dire si les habitudes anciennes perdurent.
La Pologne est une exception dans ce concert de procrastination. Les priorités du nouveau gouvernement et son passé douloureux sous l’emprise soviétique, la conduise à mener une activité intense dans le cercle décisionnel et stratégique de la défense et de la sécurité de l’UE.
Elle y est également conduite par sa position stratégique, comme voisin de la Biélorussie, pays satellite de Moscou, de l’Ukraine et des pays baltes (Lituanie, Lettonie et Estonie) anciennes possessions de la défunte URSS, sous la visée de Poutine en fonction de la résistance de l’UE et de l’OTAN. .
Et lorsque l’on parle d’OTAN, on parle des USA, son principal bailleur de fonds et sa principale protection militaire. L’avenir dépendra des imprévisibles décisions du nouveau Président TRUMP. Seule certitude pour l’UE : les USA voudront toujours contrer la Russie, mais dans une moindre mesure, car le centre de gravité du monde s’est déplacé dans le pacifique et dans la compétition avec la Chine.
Les menaces sur la construction d’une défense européenne, viennent de l’Europe même. En décembre 2023, le Danemark, la Finlande et la Suède, membres de l’UE, ont passé des accords avec les USA pour acquérir des capacités de production et de matériels américains.
Certes ces accords, passés un an avant l’élection présidentielle américaine sont une assurance contre le risque d’une avancée de la Russie au nord de l’UE. Mais leur persistance ouvrirait la voie à la fragmentation d’une politique européenne de défense car ils créent de nouvelles dépendances stratégiques dans l’industrie de défense.
La mise en place d’une défense européenne est d’autant plus impérieuse, car l’indopacifique est devenu un sujet primordial. En effet une part importante du commerce extérieur de l’UE (40 % des importations extra-européennes et 27 % des exportations en 2021) est liée à la région. La sécurité maritime et la liberté de navigation y constituent des intérêts primordiaux.
Pour le moment, la division de tâches entre l’UE (pour les enjeux économiques et environnementaux) et les États-membres individuels (pour les questions de défense) semble pragmatique car les capacités des États-membres sont inégales.
Cette position en matière une défense constitue cependant une faiblesse stratégique de l’UE car elle manque d’une approche et d’un positionnement commun dans la région. Les USA, eux, demandent plus d’alignement de la part des Européens contre la Chine, alors que Pékin encourage les Européens à l’autonomie stratégique.
Dans le futur, les crises évoquées plus avant, risquent de s’aggraver car les conflits demeurent au Soudan, en Éthiopie, au Sahel sans compter l’escalade possible avec l’Iran et la protection de la mer Rouge. De même perdurent les situations humanitaires désastreuses au Yémen et en Libye qui seront un défi humanitaire majeur pour l’UE.
Des efforts importants restent ainsi à accomplir en matière de politique migratoire, dans la lutte contre le terrorisme à l’instar de la coalition internationale d’une vingtaine de pays qui œuvre dans le détroit au large de Djibouti.
L’engagement des pays de l’UE y est individuel et l’on comprend dès lors la force politique que pourrait représenter un engagement européen.
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