Résumé : Les finances publiques françaises se sont fortement dégradées ces dernières années, du fait de la crise sanitaire et des boucliers tarifaires mis en place pour atténuer les effets de la hausse des prix de l’énergie.

En 2023, la dette publique ( 3 100 Mds d’€ ) a atteint 110 % du PIB ( 2 800 Mds) et le déficit public 5,5 points de PIB ( 154 Mds d’€)

Les futurs gouvernements feront face à un double défi :

-d’une part, réduire le déficit public dans les années à venir, pour continuer à se financer à des taux d’intérêt bas et respecter les engagements européens ;  

-d’autre part, éviter un retour à l’équilibre trop rapide, pour protéger la croissance et éviter une hausse du chômage.

Une récente note du Conseil d’analyse économique( CAE ) détaille de manière exhaustive, les diverses options pour redresser les finances du pays : ( https://www.cae-eco.fr/quelle-trajectoire-pour-les-finances-publiques-francaises ).

La synthèse suivante en présente les principaux éléments. 

TEXTE

1 – Brève histoire de la dette publique

En 1970, ces dettes représentaient environ 20 % du PIB en France et en Allemagne, 40 % en Italie.  En 2023, la dette représente 140 % du PIB en Italie, 110 % en France et 60 % en Allemagne.

On observe donc une hausse globale du niveau moyen de dette, ainsi qu’une divergence croissante, notamment entre la France et l’Allemagne.

La dette augmente avec le déficit primaire (c’est-à-dire les dépenses publiques hors charges d’intérêt moins les recettes) auquel s’ajoutent les intérêts appliqués au remboursement de la dette, qui devraient être de l’ordre de 70 Mds en 2025, alors qu’il n’étaient que de 50 Mds en 2023.

Mais c’est la dynamique de la période 2018 à 2023 qui est inquiétante : les dépenses ont augmenté sur un rythme moyen annuel de 21 %, alors que les recettes n’ont augmenté que de 14 %, tandis que la PIB a augmenté en moyenne annuelle de 18 ,6 %.

Cela signifie que le pays vit au-dessus de ses moyens, en faisant chaque année appel à l’emprunt pour trouver de quoi financer une part de ses dépenses ( le solde en rosé), tandis que l’autre partie est assurée par les recettes.

2 – Les enseignements à en tirer : le solde primaire est au cœur du problème

L’étude historique du CAE révèle que l’augmentation de la dette publique française ( 110 % du PIB en 2023) repose essentiellement par la somme des déficits primaires qui a été de 88 % du PIB.

C’est-à-dire que les dépenses des administrations publiques, hors intérêts de la dette, ont été largement supérieures aux recettes, depuis cinquante ans.

Ce constat contient une bonne et une mauvaise nouvelle.

La bonne nouvelle est que la dette est la conséquence directe des choix budgétaires éminemment politiques : en clair les gouvernements successifs ont toujours acté des dépenses supérieurs aux recettes pour des raisons politiques et qu’il convient de diminuer lentement cet écart pour le ramener à l’équilibre.

La mauvaise nouvelle est qu’il ne faut pas compter sur l’inflation ou la croissance pour faire diminuer la dette publique sans effort budgétaire.

En effet, l’inflation diminue la valeur réelle de la dette, et la croissance permet d’avoir de meilleures rentrées fiscales.

Cependant, la période ou la France empruntait à des taux négatifs n’est plus au regard du contexte international : les investisseurs disposaient alors de telles réserves qu’il choisissaient de perdre « un peu » en prêtant à – 0,5%, alors qu’aujourd’hui la France emprunte à 2,9 %.

3 – Le déficit primaire

Il convient donc d’agir sur le déficit primaire, et le faire baisser pour que l’emprunt permettant de boucler le budget public soit plus faible et la charge des intérêts à rembourser chaque année soit plus basse.

Or la France a une tendance historique à laisser filer son déficit primaire, car ses dépenses (hors intérêts de la dette) sont structurellement plus élevées que les recettes.

En 2023, les dépenses publiques étaient de 57 % de PIB. Ce chiffre inclut toutes les dépenses des administrations publiques : dépenses de retraite, de santé, de protection sociale (chômage), d’éducation et de défense. La charge des intérêts de la dette représentait 2 % du PIB : plus de 50 Mds d’€.

D’un autre côté, les recettes étaient de 52 % de PIB. Ce chiffre inclut les recettes des cotisations sociales, de la TVA, de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés.

La différence entre les dépenses ( 55 % du PIB) et les recettes ( 52 % du PIB) explique le déficit primaire de 3 % du  PIB en 2023.

La discussion du budget 2025, aura donc pour but :

-d’arbitrer entre hausses de recettes et baisses de dépenses ;
-et un 3ème paramètre souvent oublié : l’adoption de mesures conduisant à l’augmentation du PIB car plus le PIB est élevé, mieux il permet d’assurer la prise en charge e la dette.

S’agissant de la baisse des dépenses publiques (que le gouvernement estime à 2/3 de l’effort avec 40 Mds de baisse pour 20 Mds de hausse d’impôts) trois éléments importants ne doivent pas être oubliés : 

Le 1er est que le taux de prélèvements obligatoires élevé en France par rapport à nos voisins européens, nuit à la compétitivité des entreprises.

Le 2ème tient aux expériences historiques de consolidations budgétaires : celles qui ont réussi à redresser durablement les comptes publics ont privilégié les baisses de dépenses associées aux hausses de recettes pour parvenir à un redressement des comptes publics.

Le 3ème est le niveau des dépenses publiques, qui, rapporté au PIB, est nettement plus élevé en France que chez nos voisins européens (+ 8% de PIB en 2023 par rapport à la moyenne européenne).

Cela reflète un choix de socialisation élevé, que ce soit pour le financement des retraites ou pour celui des services publics comme l’éducation ou la santé. Mais il faut que les Français le ressentent, avec des services publics de qualité, ca qui est loin d’être la cas.

 4 – La manière d’opérer le redressement

Le premier président de la Cour des comptes distingue le sérieux budgétaire, qu’il juge indispensable, et une politique austéritaire, qu’il juge néfaste : « L’austérité, c’est ce qui affaiblit, ce qui appauvrit l’Etat ».

Il prône « une maîtrise des dépenses réfléchie et raisonnée, tout le contraire de la technique du rabot, qui n’a jamais fait ses preuves » et pense que l’effort devrait s’opérer jusqu’en 2029.

Diminuer le déficit de 6 à 3 % du PIB, exige des économies qui représentent 3 % du PIB 2025 estimé  à 2 900 Mds en 2024. Ces 3 % d’économies représentent donc 2 900 * 3 soit 90 Mds d’€. 

Il faudra y ajouter les intérêts de la dette qui seront de 70 Mds en 2025, c’est-à-dire 20 Mds de plus qu’en 2023. Il faudra donc trouver 90 Mds d’€ plus 20 Mds d’€, c’est-à-dire 110 Mds d’€ durant les années à venir.

L’exercice sera plus difficile encore, car notre partenaire commercial privilégié, l’Allemagne est en récession : baisse de son PIB de 0,3 % en 2023 et de 0,2 % en 2024. La France en pâtira avec une croissance plus faible, des rentrées fiscales moindres et donc des recettes plus faibles.  

Pour être prudent il vaut mieux compter sur une réduction du déficit public de l’ordre de 120 Mds d’€, qu’il faudra effectuer, en augmentant les impôts et en diminuant les dépenses, le tout soutenu par des mesures de nature à soutenir la croissance.

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Le redressement des comptes ( 120 M€ Mds d’€ d’économies), serait plus plausible, en 4 ans (2025, 2026, 2027 et 2028), soit une baisse du déficit de l’ordre de 30 Mds d’€ par an.

Ce serait de la maîtrise ( 120 Mds d’€ par an sur quatre ans) et non la rigueur choisie par le gouvernement Barnier (60 Mds d’économies par an sur deux ans), avec des risques de réduction de la croissance, source de dangers économiques, sociaux et politiques avec leur lot éventuel de troubles à l’ordre public et des conséquences sur les ressources de nos collectivités locales et de la Collectivité de Corse.

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