J’ai présenté un 1er développement d’une réflexion sur la préparation du futur dans un monde en crise en me basant sur les leçons de l’histoire puis un 2ème sur l’intégration de la discontinuité de l’histoire pour imaginer le futur

Ce 3ème billet porte sur la relativisation du dominant pour comprendre le monde.

Viendront ensuite les raisons et les manières d’agir pour préparer le futur, puis l’affirmation du langage de la puissance et la mise en place la défense européenne pour préparer l’avenir et une conclusion terminale.

 

          Cette césure entre l’ici et l’au-delà ou plutôt l’ailleurs, puisque la société s’est sécularisée, est toujours en nous, européens, reliée à l’élargissement du monde qui exige de se défaire des préjugés, de comparer, de relativiser, ce qui revient à admettre que l’on est toujours « l’autre de quelqu’un ».

Admettre que l’on est toujours « l’autre de quelqu’un », est un bouleversement copernicien pour soi-même. Pour y parvenir le premier pas serait de repenser au terribles barbaries brunes, rouges et vertes que le monde dit « civilisé et avancé » a engendré au 20ème siècle.

Sachons nous départir de cette folle croyance enfouie en nous : l’évidence et la supériorité de notre propre point de vue. En nous défaisant de la centralité de notre personne, nous ferons place à l’autre, geste humaniste par excellence.

L’histoire de l’Italie si proche, en est un bon exemple. Le caractère composite et contractuel de sa construction institutionnelle, montre que la construction étatique des identités est lente. Elle est même réversible, comme l’a démontré le Brexit dans la lente construction d’une identité européenne.

De la découverte du nouveau monde en 1492, à la connexion des espaces éloigné au travers de la colonisation, nous avons appris que la perception et l’intelligibilité du monde ne peuvent être que globaux.

On sait bien qu’à l’échelle eurasiatique, Afrique comprise, le rythme du monde bat à une cadence que personne ne connaît réellement, mais dont nul ne peut ignorer l’existence, puisqu’il recèle des siècles d’inventions, de matières premières, de génies et d’avancées dans la production de biens et de services.

Il nous faut assimiler le fait que les européens qui représentent 0,5 milliards d’humains sont une frange et une étrangeté, parfois enviée, parfois honnie, dans un univers de 8 milliards d’êtres, où 1 milliard sont qualifiés d’occidentaux.

L’Europe, faut-il le rappeler, est une contrée de récits de marchands et de navigateurs, un monde de de traducteurs plus ou moins pertinents, de diasporas juives, un monde de comptoirs et de transactions.

Le pouvoir s’y détient moins qu’il ne s’exerce. Il est là où s’entrecroisent des réseaux d’échanges et où peut s’opérer le prélèvement des taxes de toute sorte !

Lorsque les historiens arabes du 12ème au 14ème siècle, lorsque les chinois d’aujourd’hui se penchent sur l’histoire de nos contrées, c’est pour comprendre ce qui fait dévier le cours de cette étrange Europe de l’histoire impériale qui domine le monde, depuis l’expansion mongole aux conquêtes ottomanes, sans oublier les empires du Milieu.

Dépayser l’Europe, c’est se demander pourquoi elle est un monde de réseaux et de seigneuries alors que le monde est celui des empires. En inversant la charge de la familiarité et de l’étrangeté, on contribue à désorienter des certitudes jusque-là inaperçues.

Dans l’imaginaire qui a façonné l’Europe, se trouve Alexandre, qui a régné jusqu’aux confins de l’Indus. Lui et ses compagnons marchaient avec curiosité, renonçant à cet art de ne jamais se laisser surprendre, cet art qui caractérise l’esprit du voyage.

Cependant l’Orient a toujours été une direction, une terre sans limite tandis que l’Occident était considéré comme une butée maritime.

Il a fallu attendre 1492 pour s’apercevoir de notre erreur. Elle se retrouve dans nos planisphères, encore centrées sur l’Europe, alors que celles des USA, sont bordées à droite par l’atlantique et la minuscule Europe, et à gauche par l’immense pacifique et les îles de la mer de Chine.

Et il en va de même pour les chinois, pour lesquels nous sommes un confetti à leur gauche tandis que la menace est du côté droit et au sud, dans ce pacifique qui contiendrait leur espace vital à conquérir, de la Corée au Japon et aux Philippines.

Cette prise de conscience de l’autre et du poids relatif du dominant, démontre que l’histoire n’a ni commencement ni fin, à l’identique de la cosmogonie grecque, sauf à la transformer en une discipline religieuse. Elle est toujours une rupture qui étonne ceux qui cultivent le lopin des certitudes et des continuités.

La fin de l’histoire a fait long feu et il nous faut revendiquer une histoire sans fin,  ouverte à ce qui la déborde et la transporte, une histoire en éternel mouvement.

Ainsi il fut des temps heureux où la mer Méditerranée se traversait de part en part permettant commerce et échanges culturels. Nous en vivons d’autres plus sombres, où elle  se transforme en tombeau pour des milliers de malheureux rongés par la misère, le désespoir, la cupidité de leur dirigeants et l’ignominie des passeurs.

Alors, à se tenir face à la mer, on ne voit plus la même chose. Il y a certainement quelque chose à tenter. Nul ne peut se résoudre à un devenir sans surprise. Ce qui surviendra, nul ne le sait. Mais chacun comprend qu’il faudra, pour le percevoir et l’accueillir, être calmes, divers et exagérément libres.

 


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