Résumé : Michel Barnier, nouveau 1er Ministre a repris la formule : « il veut la vérité sur la dette qui pèse sur les épaules de nos enfants ».
Il est certes louable de dire qu’il ne faut pas laisser s’envoler le déficit annuel et la dette qui est l’agrégation des déficit annuels.
Je montre dans ce billet que l’affirmation d’une dette qui pèserait de tout son poids, comme s’il fallait la rembourser en un court délai, est globalisante et induit les français en erreur, sur la base des définitions et des montants des composantes de la dette globale, composée de la dette de l’Etat, de celle des administrations centrales, des collectivités locales et des organismes de sécurité sociale.
TEXTE
Contrairement à ce qui répété à l’envie, la dette actuelle est composée d’emprunts qui doivent être remboursés chaque année et non de la dette globale ( 3 228 milliards d’€) qui serait à rembourser sans délais.
Il en va de même dans tous les pays qui ont besoin de ressources pour équilibrer leur budget : ils font appel aux marchés financiers pour trouver cet argent et en France c’est l’Agence France Trésor qui le fait. Les prêteurs sont d’ailleurs à plus de 50 % des non-résidents, ( https://www.aft.gouv.fr/fr/node/501) ce qui montre que la crédibilité et la stabilité du pays sont loin d’être mises en cause.
1 – Cependant à l’examiner de plus près, cette dette se compose de quatre parties : celle de l’État ( 80 % du total environ), celle des administrations centrales (de l’ordre de 2 % du total) et celle des collectivités locales et celle de la sécurité sociale (quasiment 10 % chacune) :
Mais depuis 2020, la machine s’est affolée, car les déficits annuels ont augmenté. La crise des gilets jaunes, la crise sanitaire, l’augmentation des prix dus à la guerre en Ukraine, sont mis en avant pour expliquer l’aggravation des déficits et de la dette de l’État (celles de trois autres composantes restant à peu près stables) :
2 – Il convient donc d’y remédier, car si les montants à emprunter pour équilibrer le budget sont trop important, le pays peut rentrer dans une spirale incontrôlable, car son remboursement qui représente le 4ème poste des dépenses de l’État ( plus de 50 Mds d’€ sur les dernières années) risque de se rapprocher des dépenses consacrées à l’éducation nationale (plus de 80 Mds d’€), aux armées ( 70 Mds d’€ annoncés en 2024) et au versement des pensions (plus de 61 Mds d’€), comme le montre la tableau suivant :
Or ce qui caractérise le pays est son manque de maîtrise de ses dépenses ( 22 % de plus entre 2019 et 2023) et la faiblesse de ses recettes (11 % de plus), soit la moitié de la progression des dépenses :
3 – Que va donc faire le 1er Ministre ?
Comme vous et moi lorsque nous vivons au-dessus de nos moyens : augmenter ses recettes et diminuer ses dépenses pour diminuer son déficit. Là interviennent les décisions politiques car tout doit être fait avec tact, mesure et prudence.
La hausse des impôts annoncée pour les foyers fiscaux de plus de 500 000 € annuels est une mesure qui permettra de réduire le déficit, mais la faire perdurer ôtera la possibilité pour ces foyers d’investir dans l’économie française, pour peu qu’ils le fassent.
Le gel des pensions durant six mois rapportera peu, de même que l’abandon du rural avec un défaut de financement de son service postal. Mais ce seront des signaux politiques forts et dommageables pour les petites pensions, comme l’avait été la réduction des APL pour les étudiants en son temps.
Viendra ensuite le coup de rabot sur certains secteurs :
-les aides à la défiscalisation dans le logement que craignent les entreprises du BTP ;
-une refonte des mécanismes des aides à l’emploi à domicile qui risque de paupériser plus encore la profession ;
-la réduction des aides au secteur associatif en charge de publics en difficulté ;
-les aides à l’apprentissage mal ciblées qui ne profitent qu’aux bac+4 et 5 ;
-les aides au secteur automobile, surtout électrique ;
-le plan ferroviaire promis par Mme Borne (près de 7 milliards par an) ;
-le crédit d’impôt recherche qui permet de doper l’investissement pour les techniques du futur ;
-la diminution des dotations aux collectivités locales qui seront contraintes d’augmenter leur impôts (taxe foncière, ordures ménagères, et financement de divers transferts de compétences);
-et les mesures d’économies sur la sécurité sociale alors que l’on connaît les difficultés du système de santé, ces deux derniers secteurs (collectivités locales et sécurité sociale) pesant moins de 10 % chacun dans la dette publique totale, dont l’Etat porte les 80 % du total.
4 – Nul ne remet en cause le fait que tout aille bien dans le pays surtout au vu de l’augmentation des dépenses qui est deux fois supérieure à celle des recettes.
Mais, au regard de l’urgence, il y aura fort à parier que les coupes seront faites à la hache et non au scalpel pour arriver à 40 milliards de dépenses en moins et 20 milliards de recettes en plus.
Dans cette perspective, il faut se remémorer les conséquences d’un tel exercice, effectué dans la précipitation en Royaume-Uni, en Italie et en Grèce, ou la baisse drastique des dépenses s’est soldée par une casse sociale et une défaillance massive des services publics.
En tout état de cause la Parlement en débattra, espérant pour le pays, qu’il ne rajoute pas du chaos aux fortes difficultés que nous connaissons.
5 – En réalité, nous payons-là la verticalité du pouvoir, la mise à l’écart des élus locaux et des corps intermédiaires par le Président Macron, car la concertation aurait certainement évité un tel dérapage et un ciblage plus efficace des dépenses à maîtriser depuis 2017, afin que le déficit public ne s’envole pas dans de telles proportions.
Je rappelle également que sous la présidence Hollande, le déficit public qui était à 5,8 % du PIB à la fin 2012 et a été ramené à 3,4 % fin 2017, et que la prévision pour 2024 ( oui 2024 ! ) est supérieure à 6 % du PIB, alors que les autres pays de l’UE respectent dans leur majorité la règle d’un déficit de l’ordre de 3 % du PIB.
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Demeure enfin l’interrogation sur la meilleure manière de diminuer les dépenses et d’augmenter les recettes, sans réduire la croissance, source d’épargne, d’investissement et d’emploi, c’est-à-dire sans encourir des dangers économiques, sociaux et politiques avec leur lot éventuel de troubles à l’ordre public.